Hommage à Dominique Bernard- Discours de M. le Maire Ali Rabeh
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Discours de M. le Maire Ali Rabeh
Hommage à Dominique Bernard
Vendredi dernier, dans un collège d’Arras, un héros est mort. Il s’appelait Dominique Bernard, il avait 57 ans, il était le père de trois filles.
Dominique Bernard n’est pas mort par hasard. Il est mort parce qu’il a agi en héros authentique. Il est mort parce qu’il a exposé son corps et sa vie aux coups de l’assaillant, parvenant à protéger ses élèves.
Nous avons tous en mémoire le sacrifice inouï du Colonel Arnaud Beltrame, qui n’hésita pas à substituer sa vie à celle d’une caissière prise en otage par un terroriste islamiste dans un supermarché de Trèbes.
Ces deux héros, figures sublimes d’incarnation de la République, ont choisi de s’interposer entre des innocents et un meurtrier, entre la civilisation et la barbarie, entre la République et ses ennemis. Leur courage n’a rien d’anodin. L’Histoire nous a enseigné combien, face à la monstruosité la plus effrayante, mettre sa vie en jeu pour protéger celle des autres n’a rien d’évident. Mais même dans les heures les plus sombres de notre Histoire, il y a toujours eu des Justes pour se lever, et relever l’Humanité face à ceux qui tentent de la mettre à genoux.
Le Colonel Beltrame était un militaire, entraîné à maitriser ses émotions et à faire preuve de sang-froid face à l’ennemi. Il a assumé son devoir, au prix de sa vie.
L’enseignant Dominique Bernard, lui, n’aurait jamais dû être confronté à la barbarie et à la violence. Ce n’était pas son métier, pas sa vocation. Rien ne l’y avait préparé.
Dominique Bernard était un homme de lettres et peut-être, lui que ses proches décrivent comme un homme qui vivait heureux, avait-il lu Périclès qui disait : « Il n’y a pas de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage ».
A-t-il eu le temps de réfléchir ? A-t-il eu peur ? Peut-être, peu importe. Ce qui nous frappe et nous éblouit, c’est qu’il a fait le choix moral du courage et ce choix, qui lui coûta la vie, l’honore et nous oblige. Dominique Bernard n’est pas mort par hasard. Il est mort parce qu’il a agi en héros, mais aussi et surtout parce qu’il était enseignant.
Lui, l’agrégé de Lettres, aurait pu choisir d’enseigner au lycée ou au sein des classes préparatoires. Il avait fait le choix, moins confortable, d’enseigner au collège, à cet âge trouble où se forgent les caractères, les opinions et les destins. Il était enseignant de lettres, amoureux de Gracq, de Proust et de René Char. Les lettres, qui cherchent à poser des mots sur la complexité des hommes, et du monde qu’ils façonnent.
Il y a trois ans, quasiment jour pour jour, un enseignant mourrait sous les coups du fanatisme religieux. Il s’appelait Samuel Paty, et à travers ce rassemblement, nous honorons également sa mémoire.
La mort de Samuel Paty, celle de Dominique Bernard ne doivent rien au hasard. Si les terroristes ciblent notre école, s’ils visent les enseignants, c’est parce qu’ils comprennent qu’il s’agit en effet de leurs premiers adversaires.
Jaurès dans son discours de janvier 1910 pour l’école laïque citait ainsi Proudhon : « l’enfant a le droit d’être éclairé par tous les rayons qui viennent de tous les côtés de l’horizon, et la fonction de l’État, c’est d’empêcher l’interception d’une partie de ces rayons ». Chers amis, quel est le rôle de l’école, quel est le rôle des enseignants, de Samuel Paty, de Dominique Bernard et de tous les autres, si ce n’est d’éclairer les consciences, d’allumer les Lumières quand le fanatisme religieux vise, lui, à nous plonger dans la nuit la plus obscure ?
Ce dont rêvent les terroristes, c’est d’imposer une pensée unique et univoque, sans nuance et sans libre arbitre. S’ils assassinent nos enseignants, c’est parce que la liberté permise par l’éducation républicaine et laïque est le premier obstacle à leur projet totalitaire. Et ils ne s’en cachent pas : le terrorisme islamiste affiche son programme. Il souhaite disloquer la société, marginaliser les musulmans, amplifier la haine à leur égard. Il souhaite en faire des cibles, afin de convaincre les musulmans que la France serait un pays raciste, que vivre ensemble serait impossible et qu’il leur faudrait se rassembler derrière les plus radicaux d’entre eux.
Dans cette entreprise funeste, il rencontre un adversaire redoutable. Notre École républicaine et laïque éclaire les consciences, forme un creuset qui fabrique des citoyens égaux, ignorant les origines, les religions ou les couleurs de peau. Elle donne à nos enfants les outils pour résister aux discours simplificateurs, aux raisonnements binaires qui imposent de choisir son camp. En faisant cela, l’École est une digue formidable face au projet nihiliste et totalitaire du fanatisme islamiste.
En rendant hommage à Dominique Bernard aujourd’hui, je ne veux pas que nous pensions rendre hommage à une victime du terrorisme. Nous rendons hommage à un héros, un héros de la liberté de penser, d’agir et de résister. Je voudrais conclure en citant René Char, que Dominique Bernard aimait tant : « Au plus fort de l’orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer. C’est l’oiseau inconnu, il chante avant de s’envoler ».
Je vous remercie.