Cérémonie du 76e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945
Allocution de Monsieur le Maire Ali Rabeh à l'occasion de la cérémonie du 76e anniversaire de la victoire du 8 mai 1945
Retrouvez ci-dessous la vidéo de la cérémonie commémorative et le discours de Monsieur le Maire.
Contenu
Monsieur le Préfet,
Madame la conseillère régionale,
Madame la conseillère départementale,
Madame la conseillère municipale,
Madame, Monsieur,
Dans la nuit du 6 au 7 mai 1945, le général allemand Alfred Jodl, chef d’état-major de la Wermarcht, signe à Reims la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie. L’acte de capitulation fixe la cessation complète des hostilités au 8 mai à 23h01. À 23h01, ce 8 mai, l’Europe retrouve la paix et Paris retrouve sa fête. Après 5 longues années étouffantes, la joie dans les pays libérés exulte. Comment ne pas comprendre cette joie simple, pure, totale ? Comment ne pas imaginer toute l’étendue du soulagement de ces millions d’enfants, de femmes et d’hommes qui peuvent à nouveau entrevoir la vie ?Pourtant, cette joie, si réelle et si irrésistible, ne saurait faire oublier les meurtrissures d’un continent qui, en 4 petites décennies, a connu les deux guerres les plus ravageuses de l’humanité. Derrière les cris d’allégresse, il y a surtout le silence terrible des premiers déportés qui reviennent des camps et le silence plus terrible encore de ceux qui ne reviendront pas. Derrière la joie, perce encore le martyr héroïque des résistants torturés. Au-delà des chants naturels et joyeux, il y a ces centaines de milliers de familles endeuillées, ces centaines de milliers d’enfants orphelins, ces millions d’exilés, cette Europe détruite, cette Europe jetée à feu et à sang.
Aujourd’hui, 8 mai 2021, je m’adresse à vous, sans avoir jamais connu le déferlement de haine que nos aïeux ont subi. Je suis de cette génération bénie qui n’a pas connu la guerre. Je parle ici de choses que je ne connais pas. Je parle ici d’événements que ma conscience d’homme peine à imaginer. Alors pourquoi m’adresser à vous ? Pourquoi la parole plutôt que le silence et le recueillement ?
S’il faut parler aujourd’hui et s’il faudra parler demain, c’est parce que nous avons appris qu’il n’est pas de victoire définitive. Le 8 mai 1945, les Alliés sont victorieux en Europe.Mais nous n’oublions pas que les 5 années que viennent de vivre le monde sont une défaite. Un immense gâchis. L’image la plus crue de ce dont notre humanité est capable.
Nous n’oublions pas que ce même 8 mai 1945, les armes grondent toujours dans le Pacifique et que notre humanité s’apprête à faire usage de la bombe atomique, son arme la plus meurtrière.
Nous n’oublions pas que ce même 8 mai 1945, à 2842 kilomètres de Paris, des milliers d’Algériens seront massacrés à Sétif par les troupes françaises.
« Le monde aurait pu être simple comme le ciel et la mer » disait André Malraux. C’est parce qu’il ne l’est pas, que nous continuerons de parler et d’agir surtout. Nous devons agir pour préserver ce legs qui nous a été douloureusement transmis. 76 ans plus tard, la paix n’est pas acquise et l’humanité toujours à défendre.
Ce message n’est pas naïf.
Ce qui serait naïf, ce serait de refuser de voir la montée, à nouveau, en Europe, comme ailleurs, d’un populisme identitaire et violent, prêt à en découdre avec tout ce qui n’est pas lui.
Ce qui serait naïf, ce serait de refuser d’entendre les appels à la haine de l’AFD ou du parti « La troisième voie » en Allemagne.
Ce qui serait naïf, ce serait de nier la dérive autoritaire et xénophobe en Hongrie, en Pologne, en Turquie, au Brésil ou en Inde.
Ce qui serait naïf, ce serait d’oublier qu’ici même, en France, les crispations identitaires vont croissante et que l’extrême droite pourrait demain prendre le pouvoir.
76 ans après, ils n’ont pas disparu ceux qui voudraient une France strictement blanche et catholique, ceux qui profanent les tombes juives, ceux qui professent le grand remplacement pour encourager la la guerre civile, ceux qui se satisfont de voir la mer méditerranée devenir une fosse commune, tous ceux qui prêchent pour une identité unique et sectaire sans mixité, sans couleur, sans religion, dépouillée de toute différence, débarrassée de toute altérité.Dans son livre, « Les identités meurtrières », Amin Maalouf dénonce cette conception qui réduit l’identité « à une seule appartenance, installe les hommes dans une attitude partiale, sectaire, intolérante, dominatrice, et les transforme bien souvent en tueurs ». Aujourd’hui comme hier, cette conception de l’identité continue de nous menacer gravement.
Je refuse de laisser mon pays livré à cette logique mortifère. Il nous faut entendre la peur puisque cette peur existe. Mais là, où les semeurs de haine chercheront un coupable, il nous reviendra de trouver ensemble des solutions pur préserver la paix et la concorde.
Je vous remercie.